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2017 – Marion OSTER

Marion Oster par Gérard Sendrey
Je n’ai pas la prétention d’apprendre aux lecteurs du présent texte que la fonction créatrice ne saurait être subordonnée à un savoir ni à la volonté de concrétiser une idée déjà bien réfléchie. La création est la définition d’une mise au monde de ce qui n’existait pas encore dans l’univers individuel de son inventeur à titre personnel.. Il peut éventuellement s’agir d’une découverte similaire à une autre déjà faite ailleurs et en d’autres temps. Cependant, l’une ou l’autre novation est marquée par la personnalité de son auteur telle que résultant de son parcours personnel dans des conditions propres à son cadre de vie particulier. Cette situation existentielle marque toutes les manifestations spontanées de qui s’adonne à ce genre d’activité. C’est ce caractère originel qui manifeste la forte personnalité de l’artiste par rapport à d’autres qui veulent inscrire leurs productions au goût du jour avec le désir de plaire pour en tirer profit. Pas question pour Marion Oster de se ranger à se genre de comportement. Elle ne s’emploie pas à faire ce que l’on peut attendre d’elle mais à proposer en toute liberté ce que l’on n’attend pas. Elle n’inscrit pas sa démarche en un mouvement particulier comme il y en a toujours, au fil du temps, dans l’actualité artistique du moment. On pourrait, à la vue d’une des émanations de sa créativité toujours en mouvement, pencher
pour son assimilation à une forme d’expression ayant déjà pignon sur rue mais il s’agirait alors d’une position d’esprit banale, très en vogue chez nombre d’amateurs s’attribuant la capacité de reconnaitre la façon de faire d’un tel chez tel autre en se donnant ainsi à eux-mêmes l’illusion qu’il portent sur l’œuvre un regard des plus avertis au service d’une grande
compétence en la matière. C’est la confusion classique d’un grand nombre entre la vision intellectualisée nourrie de considérations amplement médiatisées et le ressenti émotionnel hors tout ligne de conduite suscitée par les critiques assermentés qui se voudraient généralement au-dessus d’une mêlée dont leur seul souci est de sortir eux-mêmes vainqueurs.

2017 – Martine MANGARD

Je choisirai pour évoquer la tonalité de mon travail actuel,entre fantaisie et mélancolie, de citer Verlaine : « Votre âme est un paysage choisi Que vont charmant masques et bergamasques Jouant du luth et dansant et quasi tristes Sous leurs déguisements fantasques… »
J’ai d’ailleurs donné le titre de ce poème « Clair de lune » à l’une des tapisseries trouvées aux puces que j’ai « ravivée » où figure une charmante Fête Galante nocturne dans un jardin vénitien. J’ai eu plaisir ces derniers temps à découvrir un nouveau mode de jeu en recolorisant au pastel d’anciens canevas ou tapisseries et en leur donnant un nouveau sens par collage ou cousage d’objets. Ceci dans la permanence du désir de raconter des histoires, comme par ailleurs dans mes assemblages volume ou mes détournements de gravures de vieux livres.

2017 – ART MANIAK – MGEN

La toile ne vient pas de la tête, mais de la vie. Je ne fais que chercher la vie. Tout ça échappe à la pensée, à la volonté. Bram Van Velde

ARTMANIAK
L’atelier d’arts plastiques du centre de santé mentale de Rouen
Si je peux partager le point de vue de Bram Van Velde en tant qu’artiste, mon travail auprès des patients sera de proposer une manière d’attraper ce qui échappe, qui est à l’insu de soi parfois, et
d’en permettre une mise en forme.
Le témoignage au sujet de cet atelier d’arts plastiques nous permet de faire le point sur les pratiques de soins impulsées par la thérapie institutionnelle qui a marqué l’histoire de la psychiatrie. Ce courant de soins est toujours discuté de nos jours et vient questionner la place du sujet dans la société et sa participation subjective dans ses soins. Ce qui se passe dans cet atelier est d’abord une pratique artistique. Cette pratique artistique se met au service de la mise en sens du vécu du patient et de l’élaboration de son histoire. L’atelier permet de rencontrer l’esthétique, le beau, et déployer un éventail des possibilités de la mise en images des éprouvés, émotions, pensées. L’appui sur l’image dans l’art et sa pratique, permet une forme de symbolisation, le pictural pouvant être un langage.
Le fait que la peinture ait un caractère préétabli en tant que médiatrice entre l’idée et la réalité m’est très important. J’ai voulu rétablir des relations ouvertes entre la peinture et le monde extérieur et, par là, retrouver le geste, la corporéité et la réalité. Quand je pose une touche de pinceau sur la toile, un espace vibrant s’ouvre tout autour. A ce moment là commence la peinture.
Lee Ufan Un art de la rencontre
Thierry Tran, Février 2016

2017 – Olivier CARPENTIER

Je créé des fétiches. Artiste autodidacte, j’ai complètement abandonné mon ancienne activité professionnelle pour ne plus faire que cela : féticher. Mon sujet, ce sont les morts. Je traque ce qui, en eux, refuse de disparaître : leur souvenir, leur empreinte, leurs secrets. La matière que je travaille, c’est la mort elle-même : moisissures, croûtes, patines, pourriture… Poupée, poteau ou talisman, chaque fétiche est le fruit d’une rencontre singulière avec un objet de récupération, matériau glané, cordages, planches, vêtements, préparations alimentaires… Cet objet est ensuite ficelé, emmailloté, mis à cuire, trempé dans des saumures et nourri de mixtures qui vont, couches après couches, créer la patine souhaitée. Les fétiches moisissent, se couvrent de croûte, évoluant lentement au fil des saisons. Ils mûrissent avec le temps. Mes créations évoquent la mort, mais ce sont des objets vivants. Elles réaniment des émotions oubliées, des références archaïques, des « esprits » enfouis au plus profond de nous-mêmes, fantômes, ancêtres, diables et fées cachés à l’intérieur de nos âmes, et qui reviennent encore et toujours à la vie.

2017 – OXO

Et voici les enfants de la lune, les photo-phobiques aux ADN corrompus, mourant de trop de vie, poignardés qu’ils sont de soleils implacables.
Terrés dans leur chambre, contorsions de lumière négative, caméra obscura d’existences rognées, ils boivent le lait de la lune aux mamelles irisées. Tempêtes intérieures, chute des corps, convulsion des murs tagués d’éphélides. Et puis le lit se fait cage dans le maelström des draps vivant leur nuit. Les petits nautoniers en scaphandre attendent, dans la convulsion des barreaux tordus, leurs alter ego d’ombres et de mystères…homo lunaticus dans leur chambre fœtale, caméra terminus, où l’on se demande quand et comment s’en sortir.

2017 – Patrick NAVAÏ

Patrick NAVAÏ
Hanté par les sirènes et diverses figures matriarcales, Patrick Navaï, n’a de cesse de les peindre. Son chemin est celui de la mer traversée par des algues et des coquillages amoureux ainsi que par des poissons en verve. Il navigue en bonne compagnie sur un navire à tête d’oiseau et celui-ci pourrait bien s’apparenter à celui de l’Arche de Noé. Il entreprend un voyage au long cours à la recherche d’un paradis perdu. Est-ce celui de l’enfance ? D’une liberté à atteindre ? Ou plutôt celui de la République universelle de la Commune de Paris de 1871. La langue parlée sur le pont par les voyageurs ressemble à celle de l’Espéranto  créé par le bon docteur Zamenhof.
Ayant fait des migrations sa thématique majeure, Patrick Navaï, poète et peintre franco-iranien, a fondé Migraphonies, revue des littératures et des musiques du monde. Il a publié  des livres d’artiste aux Editions Carnets-Livres : Voyages encrés suivi de Les Chemins contrariés et Confidences encrées. Et illustré des ouvrages de bibliophilie d’Angèle Paoli et de François Cheng aux Editions Le Verbe et l’Empreinte chez Marc Pessin. Ainsi que le recueil de poèmes Je suis Orient de Giovanni Dotoli paru aux Editions La feuille de thé.  Il anime régulièrement des ateliers d’écriture avec des personnes en détresse psychique.

2017 – Sophie LAGUETTE

« Le cheminement qui est le mien confère à mes recherches photographiques une profondeur et une atmosphère intimiste, invitant le spectateur à entrer dans un univers onirique.
A chacune de mes photographies est associé un haïku que j’écris à posteriori. Ils ont pour objet de guider les âmes vers mon propos photographiques qui est la résilience.
Quand les âmes sont perdues ou déroutées… au bord du précipice… (dépression, bi-polarité…) quelle réponse peuvent-elles trouver?
L’observation de la Nature, la communion avec celle-ci peut-être être un réconfort, un salut? »
Sophie Laguette 2017

2017 – Vincent PRIEUR

Des yeux en amandes aux couleurs de mer, des joues rosies par l’air extérieur.
Des visages d’hommes et de femmes aux cheveux de lin.
Des véhicules, voitures, bateaux, montgolfières, avions, vélos, mobylettes, roulottes, aux passagers nombreux, serrés les uns contre les autres tendus vers une même destination.
Femmes si nombreuses, charmantes, charmeuses, par leur maintien, leur port de tête, leur cou gracile, chapeautées de bleu de vert de gris, leurs jupes courtes sur cuisses galbées, aux mains gracieuses, aux seins que l’on devine si on ne les voit, aux robes colorées, des filets de pêche.
Ces hommes aux costumes de métiers aux détails précis, pêcheurs, photographes, cuir, clous, et la cigarette au coin des lèvres, gentil ou mauvais garçon, on les imagine gouailleurs.
Bas-reliefs façades de maisons, ces voisins, tous dans un même « bateau ».
Cadres fenêtres ronds ou carrés avec des personnages, intérieur et extérieur, hommes et femmes et des animaux, des poissons, des cochons, des vaches, des chevaux, compagnons de voyage, de vie.
Boîtes où se rangent avec humour des personnages serrés les uns aux autres.Les sculptures de Vincent sont faites de matériaux chargés d’histoire, d’objets chargés de vie, aux nouveaux rôles tellement poétiques, retrouvant une nouvelle vie, du passé vers l’éternité : cordages, filets, fil de lin, bois flottés, pierres, cuir, fil de fer, mais aussi anciennes portes, volets, bois de tonneaux, outils en fer, cadrans de thermomètre, de baromètre, poignées, verrous, phares, ampoules, ferrures, serrures, couleurs de rouille…
Ses sculptures me parlent du monde, des situations de proximité, des conversations, des confidences, du partage, des instantanés de vie simple…
Et ces instants figés à un moment dans une création sont autant d’instant d’éternité, d’universalité, d’humanité.
Cathy Allais, collectionneuse d’art
Vincent fait cohabiter en toute discrétion une nonchalance et de la volonté, de la rêverie et un grand sens de la matière, de la prose et de la poésie, de l’inquiétude et de la sérénité tout en douceur, donnant à sa personne une vraie présence ; une présence à la fois dense et légère. (…)
Dominique, Café associatif « L’écume du jour »

2017 – Fabien CHEVRIER

 » Mon seul trésor c’est cette vie sur terre…
Le grand type s’est approché de moi, il me prend la main et me dit : « Petit! C’est le chemin… » Alors, pas à pas nous gagnons la grande forêt noircie par les sapins, c’est le chemin, le vent souffle, un immense et interminable froid envahie mon corps… J’ai peur, une peur qui ne me quittera jamais plus, elle gangrène mon âme et ma vie, elle me dévore jours après jours. Aujourd’hui, j’ai laissé le grand type il ne me reste que l’effroi…
L’effroi de l’éternelle histoire de la vie toujours recommencée – Quand tous ces petits êtres d’hommes hurlent et prétendent à être uniques au monde, ils ne font que recommencer la même barbarie que leurs pères : Mettre des fils au monde pour grossir l’immense et immémoriale nuit des morts…. Il faudrait leur graver une bonne fois pour toute, sur le coin de leur petite gueule, dès qu’ils viennent au monde et comme on marque la bête au prè:
« Vous êtes tous descendus du ventre de vos mères !!!
Et oui, la vie est une chienne sortie des enfers et pourtant elle grouille en moi, elle s’écoule et suinte en moi, ceux avec qui je partage ma vie et que j’aime le savent bien, la vie sur terre est notre UNIQUE trésor… c’est elle qui pose nue pour moi, devant la toile blanche……
CHEVRIER & B.

2017 – Éric DEMELIS

Le terrain de jeu d’Éric Demelis se situe aux limites, en lisière de plusieurs univers : ni art savant ni produit d’une quelconque expression art-brutiste, ni bande dessinée ni dessin classique, ni réaliste ni onirique, ni drolatique ni sérieux… et, cependant, quand même un peu tout ceci à la fois… Ce sont cette indéfinition définitive et cette instabilité essentielle qui nous attirent et nous captivent. On pressent que ses compositions sont porteuses de sens mais le décryptage en est difficile. On soupçonne cependant une logique inflexible derrière tous ces montages, un peu à la façon dont Raymond Roussel construisait ses récits. Mais les rails en mou de veau portant la statue de l’ilote en baleines de corset fuient dès que l’on s’efforce d’en appréhender la signification…
On décèle, dans les dessins d’Éric Demelis, qu’ils soient réalisés en solo ou en duo, la manifestation d’angoisses sous-jacentes, de peurs refoulées, qui s’enracinent dans les mythes et les nostalgies d’un passé plus ou moins distant. Ils révèlent la difficile expérience d’une vie, en perpétuelle tension entre être et paraître, entre agir et observer, entre implication et contemplation, ce qui faisait dire à Sartre : « La vie, c’est une panique dans un théâtre en feu. » Et quand il faut sauver les meubles devant la menace de l’in­cendie, l’artiste fait le choix de se retirer avec ses fantasmes et ses regrets plutôt que de prendre le risque de repartir d’une page blanche.

Louis Doucet, août 2015